Définitions et généralités (selon l’Encyclopedia Universalis)

Théorie de la personnalité et pratique thérapeutique permettant de rendre compte et de modifier les relations interindividuelles, l’analyse transactionnelle (A.T.) fut développée par le psychiatre et psychanalyste américain Eric Berne (1910-1970), qui fut l’élève de Paul Federn et d’Erik Erikson. L’analyse transactionnelle gagna rapidement les milieux psychiatriques américains ; et, en 1980, l’International Transactional Analysis Association comptait plus de dix mille membres. L’implantation de ce modèle thérapeutique fut plus lente et plus limitée en Europe.

L’analyse transactionnelle se fonde sur une théorie de la personnalité qui doit autant à un certain behaviorisme qu’à la tradition freudienne (E. Berne, d’abord psychanalyste freudien, rompit avec l’Institut de psychanalyse de San Francisco en 1956). La personnalité se fonde sur des «états du moi» qui sont distincts mais qui peuvent cependant, dans certaines conditions, être simultanément présents à la conscience : les «états du moi» peuvent ainsi être intégralement conservés de façon permanente (E. Berne, Analyse transactionnelle et psychiatrie , 1971).

Mais ces états du moi ne doivent pas être confondus avec les instances freudiennes (ça, moi, surmoi) : l’état du moi «enfant» ou l’état du moi «parent» sont des entités concrètes, qui sont directement perçues par le patient et qui s’imposent comme des «réalités phénoménologiques» ; ce sont des ensembles cohérents d’expériences vécues s’exprimant dans des comportements observables. Le «moi» est ainsi constitué de trois états (eux-mêmes complexes) discontinus et séparés par une barrière plus ou moins élastique ou poreuse. On distingue l’état du moi «parent», manifestation de l’extéropsyché : c’est la partie du moi constituée par l’ensemble des sentiments, des idées et des comportements que l’enfant a repris à son entourage, essentiellement à ses parents ; le moi «adulte» est un intégrateur de données objectives, chargé du traitement des informations externes et internes, collectant les données et les manipulant ; son fonctionnement échappe à l’affectivité et au jugement de valeur ; il est seul effecteur de l’épreuve de réalité.

L’état du moi «enfant» issu de l’archéopsyché, exprime les besoins, sensations, émotions, toute l’affectivité de l’individu qui s’est développée depuis l’enfance. C’est le premier état du moi à apparaître, et il induit des comportements liés aux procédures nécessaires pour obtenir l’approbation et les «caresses» des parents réels.

Le moi «enfant» peut affecter les formes de « l’enfant » adapté (sous l’influence d’un parent), de « l’enfant » créateur, doué d’une pensée intuitive et d’une appréciation fine des relations interpersonnelles, et de « l’enfant » spontané dominé par les émotions fondamentales (peur, colère, désir…). Chaque état du moi peut avoir deux fonctions : celle de direction ou de contrôle, et celle d’action ou d’expression ; ainsi, l’individu parvient-il à un comportement optimum quand il peut donner à son «adulte» la direction et le contrôle de sa vie.

Ainsi, l’analyse structurale fonde la démarche thérapeutique de l’analyse des transactions. Celle-ci n’a pas pour seul but de permettre à l’individu d’identifier ses états du moi et leurs relations, mais aussi de remédier à certaines déformations structurelles de sa personnalité («contamination» de «l’adulte» par «l’enfant», exclusion de «l’enfant», etc.). Selon les relations (avec soi-même, avec un autre, avec un groupe…), des interactions spécifiques s’établissent entre les différents états du moi des partenaires.

Ces interactions – ou transactions – correspondent à des échanges «stimulus-réponse» qui mettent en jeu les différents états du moi : si deux personnes se rencontrent, six «personnes» peuvent entrer en relation (parent-parent, parent-enfant…). Aussi, une classification des transactions peut-elle être établie : transactions parallèles, transactions croisées («cause la plus fréquente de mésentente», selon Berne), transactions cachées, etc. En analysant, surtout au cours de thérapies de groupe, ces différents échanges, l’analyse transactionnelle doit permettre à l’individu de renforcer son «adulte», de repérer les contaminations ou les exclusions qu’il manifeste, de lui montrer sa façon propre de rechercher les «caresses», etc.

Mais l’analyse transactionnelle met aussi en évidence l’existence, chez tout individu, d’une «décision de survie», plan non réflexif mais bien réel adopté généralement avant l’âge de six ans : cette décision et le plan qui en résulte proviennent des différents messages permissifs ou inhibiteurs envoyés par les parents de façon verbale ou non verbale.

La décision et les scénarios qu’elle induit ordonnent les différents comportements de l’enfant en lui permettant de s’adapter au monde extérieur ; l’enfant pourra, au long de sa maturation et grâce aux expériences nouvelles, assouplir ses scénarios et modifier sa décision de survie ; si pourtant la décision est trop rigide, se sont les expériences nouvelles qui seront distordues de façon à être admises dans les scénarios ; et peu à peu les malaises et les troubles du comportement apparaîtront. Dans ce cas, le but de l’analyse transactionnelle sera de parvenir à une véritable redécision de survie en retrouvant la décision première et en analysant les scénarios.

L’analyse transactionnelle veut être une approche pragmatique, formulée dans un langage simple et concret, du comportement et de la structure psychique des individus. Mais le contrat passé entre le thérapeute et son patient implique une certaine normativité liée au but de l’entreprise (une modification du comportement). La régulation sociale qu’apporte l’usage des thérapies de groupe renforce ce caractère qui fait de l’analyse transactionnelle un outil efficace dans le traitement de certaines déviances sociales, ainsi que dans celui de certaines personnalités psychotiques.

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